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L’IA telle qu’elle est développée alimente un système d’exploitation global

Tue, 04 Feb 2025 15:18:27 +0000 - (source)

Un collectif d’ONG emmené par Amnesty International, la LDH et Féministes contre le cyberharcèlement recommande, dans une tribune au « Monde » également signée par La Quadrature du Net, de placer les droits humains et la justice environnementale au cœur de la régulation de l’intelligence artificielle.

L’intelligence artificielle (IA) connaît un développement foudroyant, et nos dirigeants ne semblent pas pressés de réfléchir aux enjeux humains, sociaux et environnementaux de ces nouvelles technologies, uniquement vues sous le prisme de la croissance, des gains de productivité et des profits. L’IA telle qu’elle est développée perpétue cependant les discriminations, aggrave les inégalités, détruit la planète et alimente un système d’exploitation global. Parce que ces constats ne figureront pas au programme officiel du Sommet mondial sur l’IA [qui se tient à Paris les 10 et 11 février], nous, organisations de la société civile, vous les rappelons ici.

Se concentrer uniquement sur d’éventuels futurs risques existentiels à venir de l’IA est un leurre : ces technologies ont déjà des effets très concrets pour les populations les plus vulnérables et les plus discriminées et portent largement atteinte aux droits humains. En s’appuyant sur des bases de données biaisées et en intégrant les préjugés de ses concepteurs, l’IA perpétue les stéréotypes, renforce les inégalités sociales et limite l’accès aux ressources et opportunités. A cela s’ajoute le fait que le déploiement de ces systèmes d’IA s’inscrit dans le contexte des structures discriminatoires et inégalitaires qui existent dans les sociétés du monde entier. Le recours à ces technologies, souvent sur fond de politiques d’austérité, amplifie les discriminations dans l’accès à la santé, à l’emploi, aux services publics ou aux prestations sociales. En témoignent les scandales ayant éclaté ces dernières années : biais sexistes et racistes des algorithmes de santé, algorithme des services de l’emploi autrichien qui refuse d’orienter les femmes vers le secteur informatique, profilage et discrimination des usagers de la Caisse nationale des allocations familiales en France, au Danemark ou aux Pays-Bas.

Or les technologies sont rarement la solution à des problèmes en réalité systémiques. Il est préférable de s’attaquer à la racine de ces problèmes plutôt que de prendre le risque d’aggraver les violations des droits humains avec des systèmes d’IA. Tandis que l’on confie de plus en plus de décisions aux algorithmes, leurs biais peuvent avoir des conséquences dramatiques sur nos vies. Les IA prédictives se substituent à la justice et à la police, risquant d’amplifier le racisme systémique. Par exemple, aux Etats-Unis, une IA calculant les risques de récidive désignait deux fois plus les accusés noirs comme étant « à haut risque » que les accusés blancs. Et quand bien même on réduirait ces biais, se concentrer sur les outils prédictifs nous empêche de penser à des réformes plus globales du système carcéral.

Menaces pour l’Etat de droit

Ces systèmes sont aussi utilisés à des fins de surveillance et d’identification dans le cadre du contrôle des frontières ou de conflits, comme Lavender, cette IA qui, en désignant des cibles terroristes, a provoqué la mort de milliers de civils gazaouis. Et bien souvent, ces technologies sont développées par les pays occidentaux, comme les outils créés par des pays européens utilisés pour surveiller la population ouïghoure en Chine.

Les systèmes d’IA générative sont également instrumentalisés à des fins de désinformation et de déstabilisation par des régimes répressifs et des acteurs privés. « Bots » utilisés pour manipuler l’information sur des questions liées à la santé, désinformation à caractère raciste durant les dernières élections européennes, deepfakes audios et vidéo mettant en scène des candidats aux élections : ces technologies sont autant de menaces pour l’Etat de droit. Les montages crédibles générés par IA sont aussi un danger pour les femmes et les enfants : 96 % de ces deepfakes sont des contenus non consentis à caractère sexuel [selon le rapport 2019 du cabinet de conseil en gestion de risques DeepTrace], massivement utilisés dans le but de nuire aux femmes et de générer des contenus pédocriminels.

Par ailleurs, ces effets s’inscrivent dans un système d’exploitation global. L’IA, et notamment l’IA générative, constitue un véritable désastre pour l’environnement. D’ici à 2027, l’IA générative nécessitera une alimentation en électricité équivalente à celle de pays comme l’Argentine ou les Pays-Bas [comme le rapporte un article du New York Times d’octobre 2023]. Les émissions de CO2 des « géants de la tech » ont augmenté de 30 à 50 % en 2024 en raison du développement fulgurant de ces technologies. Et ce sont les pays du Sud global qui sont les premiers touchés : les data centers y pullulent, et l’extraction de minerais, comme le cobalt, utilisé entre autres dans les batteries, met en péril la santé des populations, entraîne la pollution des eaux et des terres et alimente violences et conflits armés.

L’affaire de toutes et tous

Les inégalités entre les pays du Nord et du Sud sont également aggravées par les technologies déployées pour la modération de contenus en ligne. Les géants du numérique qui allouent plus de moyens aux pays du Nord privilégient ainsi certaines langues et récits culturels, déjà dominants, au détriment des autres. Enfin, n’oublions pas que ces systèmes d’IA sont majoritairement entraînés par des travailleurs et travailleuses du Sud global, exploités et sous-payés. Selon les informations du magazine Time, la société OpenAI a ainsi rémunéré des Kényans moins de deux dollars (1,95 euro) de l’heure pour labelliser des contenus toxiques, un travail particulièrement violent et éprouvant.

Face à ces constats alarmants, le règlement européen sur l’IA, présenté comme un instrument de protection des droits et libertés, reste très imparfait, notamment sur les questions de surveillance et de police prédictive. Par ailleurs ce règlement ne s’appliquera pas hors des frontières de l’Union européenne, alors même que la menace pour les droits humains et l’environnement est globale et que l’exportation des IA de surveillance génère du profit pour les entreprises européennes.

Nos gouvernements ne cessent de parler de souveraineté de l’IA, mais les défis posés par ces systèmes transcendent les frontières. Loin d’être un sujet technologique, l’IA est l’affaire de toutes et tous. Tout le monde doit pouvoir choisir la direction de ses développements, quitte à les refuser s’ils ne correspondent pas à notre projet de société. Un cadre contraignant élaboré démocratiquement, dans une perspective de solidarité internationale et avec les communautés les plus touchées, qui place les droits humains et la justice environnementale au cœur de la régulation de l’IA, voilà le véritable progrès.


QSPTAG #317 — 31 janvier 2024

Fri, 31 Jan 2025 17:18:47 +0000 - (source)

La VSA est illégale, et c’est un tribunal qui le dit

Enfin ! Le tribunal administratif de Grenoble a tranché en notre faveur le contentieux entre La Quadrature du Net et la commune de Moirans : l’utilisation par la ville du logiciel de vidéosurveillance Briefcam est disproportionnée et illégale.

La CNIL, qui couvre complaisamment l’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) par la police et la gendarmerie, avait laissé entendre que les communes pouvaient recourir aux logiciels de VSA pour analyser les images de vidéosurveillance dans le cadre d’une enquête judiciaire. Non, disions-nous, il n’y aucun texte qui autorise l’utilisation de cette surveillance par la police. Non, dit le tribunal avec nous, ces logiciels capables de reconnaître les personnes au niveau individuel et de les suivre dans la rue sont d’un usage disproportionné, et relèvent d’un traitement de données personnelles non autorisé par la loi.

Cette décision judiciaire est évidemment très importante pour la suite : les nombreuses communes qui utilisent Briefcam ou d’autres logiciels de VSA sont bel et bien dans l’illégalité. Elle permettra aux habitantes des nombreuses municipalités concernées de faire valoir leurs droits.
Cette victoire contre la VSA sera dignement fêtée lors du Dernier Quadrapéro du Monde le 7 février 2025.

Lire l’article : La justice confirme enfin l’illégalité de Briefcam

Proposition de loi « Narcotrafic » : nouvelle offensive de surveillance

C’est malheureusement devenu une habitude. Tout gouvernement, après avoir participé à la surenchère médiatique qui transforme chaque fait divers en preuve de la déliquescence de la société, appelle à un sursaut national et à des mesures vigoureuses pour sauver le pays du chaos. On vote une loi sécuritaire qui limite les droits et les libertés publiques, la société civile gueule, les pires mesures sont censurées, une bonne partie passe quand même, et on recommence six mois plus tard pour pousser le bouchon encore un peu plus loin. C’est le cas cette fois-ci avec la nouvelle loi contre le « narcotrafic » portée par le dernier ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau (LR).

Cette proposition de loi est aujourd’hui en discussion au Sénat. Les articles du texte et les amendements des sénateurs rivalisent d’inventivité pour mieux surveiller tout et tout le monde, dans l’idée cette fois de lutter contre le trafic de drogues et le cortège de violences mortelles qu’il entraîne. On retrouve de vieilles marottes : affaiblir le chiffrement des communications, activer à distance les micros et les caméras des appareils connectés, censurer des pages web sans l’aval d’un juge, etc. Seule innovation : un procès-verbal secret dans lequel les magistrats pourront apprendre comment les suspects ont été surveillés, par quels moyens techniques ou humains, mais auquel les suspects eux-mêmes ne pourront pas avoir accès. Une dangereuse entorse aux droits de la défense.

Ces dispositions ont été critiquées publiquement par l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN), dont fait partie La Quadrature du Net. Les mesures ajoutées par les amendements du Sénat sont décrites dans un article de La Quadrature paru cette semaine.

Lire le texte de l’OLN : PPL Narcotrafic : les droits et libertés à nouveau victimes de l’addiction aux lois sécuritaires
Le pire des amendements du Sénat : Quand la loi « Narcotrafic » devient la loi « Roue libre »

Plaintes contre X

Le 20 janvier dernier, dans le sillage de l’initiative HelloQuitteX, nous avons fermé notre compte sur X. L’idée était en discussion depuis un moment. Nous avions déjà renoncé depuis deux ans à toute interaction sur ce réseau, en nous contentant d’y relayer nos articles et les contenus préparés pour nos interventions sur le Fediverse. Ce départ final est la suite logique d’un processus de désengagement commencé en 2019.

La Quadrature combat depuis longtemps le modèle des réseaux sociaux fermés qui retiennent les internautes dans leurs silos publicitaires géants et recentralisent le web, à l’inverse complet de son ambition de départ, spéculent sur la polarisation violente des « discussions » et l’encouragent même activement, tout en livrant la modération des échanges à un duo toxique entre des États surveillants-censeurs et des groupes privés, parfois plus riches que les États eux-mêmes, qui défient les lois européennes.

Contre ces géants toxiques, nous défendons le modèle de l’interopérabilité entre des réseaux divers, pluralistes, fédérés ou non, sans coexistence obligatoire des contraires qui livre les uns à l’hostilité des autres. Ce qui retient souvent les internautes sur un réseau social propriétaire, c’est la crainte de perdre tout un réseau de sociabilité, ou une audience pour un média ou une association. Alors on reste dans un enclos où les insultes, le harcèlement et les « raids » tiennent lieu de liberté d’expression et de débat public. Le développement de réseaux sociaux interopérables (Fediverse par exemple) offre une sortie viable de ce huis-clos étouffant. Il ne manquait qu’une solution pratique pour prévenir ses contacts et les retrouver sur les autres réseaux (portabilité des données), ce que propose HelloQuitteX.

L’annonce de notre départ de X a provoqué, sur X, une vague d’insultes en provenance des milieux identitaires, souverainistes et confusionnistes, qui prétendent que notre départ mettrait en cause leur liberté d’expression (la logique n’est pas leur point fort), avec des arguments qui circulent depuis des années à l’extrême-droite (nous recevons depuis 2008 un financement de soutien de la Open Society Foundation fondée par George Soros, à hauteur de 10% environ de notre budget annuel, ce qui fait de nous des agents de la CIA, du grand capital ou du cosmopolitisme judéo-maçonnique mondialiste, au choix ou tout ensemble). Soit la preuve par neuf qu’on avait raison de quitter X. Notre conviction, c’est que ce n’est pas sur un réseau social aussi toxique et aussi biaisé que X que se jouera la nécessaire bataille contre l’extrême droite. Vous pouvez nous suivre sur Mastodon.

Notre annonce du 20 janvier : Nous quittons Twitter
Tribune collective contre le marché publicitaire de la haine en ligne : Les contenus haineux et négatifs sont rentables pour les médias sociaux publicitaires

Le contrôle défaillant des services de renseignement

Les services de renseignement ont par définition une activité discrète. Depuis la loi Renseignement de 2015, contre laquelle La Quadrature et d’autres avaient activement milité pendant plusieurs mois, une autorité de contrôle des techniques de renseignement a cependant été créée, en particulier pour encadrer l’utilisation des moyens numériques de surveillance les plus intrusifs. Mais ses moyens sont limités, et sa proximité avec les services qu’elle est censée contrôler affaiblissent son efficacité. Convié à parler lors d’un colloque autour de ces enjeux, le 14 octobre dernier, un membre de La Quadrature du Net a pris la parole pour faire le point sur le rôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Nous publions le texte de son intervention.

Lire l’article : Les trous noirs dans le contrôle des services de renseignement

Campagne de soutien 2025

Notre campagne de soutien pour 2025 est toujours ouverte. Vous pouvez nous faire un don sur notre site.

Agenda

La Quadrature dans les médias

[VSA] Briefcam à Moirans

Intelligence artificielle

Drones

Réseaux sociaux

Divers


La justice confirme enfin l’illégalité de Briefcam

Thu, 30 Jan 2025 15:20:17 +0000 - (source)

Victoire totale aujourd’hui au tribunal administratif de Grenoble ! L’affaire opposant La Quadrature du Net à la ville de Moirans, en Isère, s’achève par une décision reconnaissant l’illégalité du logiciel de vidéosurveillance algorithmique Briefcam. La justice ordonne à la commune de cesser immédiatement l’utilisation de ce logiciel.

Le logiciel de Briefcam est installé en toute opacité dans de très nombreuses communes de France. Techniquement, il permet d’appliquer des filtres algorithmiques sur les images de vidéosurveillance pour suivre ou retrouver les personnes en fonction de leur apparence, leurs vêtement, leur genre ou encore leur visage via une option de reconnaissance faciale. Depuis des années, nous dénonçons la dangerosité de cette vidéosurveillance algorithmique (VSA) qui est un outil inefficace et utilisé surtout pour le contrôle des populations dans l’espace public. En parallèle, nous rappelons constamment son illégalité manifeste et le laisser-faire des pouvoirs publics.

Ainsi, nous avons récemment critiqué la prise de position de la CNIL venue au secours de la police et la gendarmerie nationale, qui utilisaient ce logiciel depuis 2015 et 2017 sans l’avoir déclaré. La CNIL avait validé leur interprétation juridique farfelue pour sauver leur utilisation de ce logiciel dans le cadre d’enquête.

Or, dans cette affaire contre l’utilisation de Briefcam à Moirans, la CNIL était opportunément intervenue quelques semaines avant l’audience pour affirmer que Briefcam serait légal si utilisé par une commune pour répondre à des réquisitions judiciaires. La décision du tribunal administratif de Grenoble vient donc contredire frontalement cette position : il estime que le logiciel Briefcam met en œuvre un traitement de données personnelles disproportionné et qui n’est pas prévu par la loi, y compris dans le cas particulier d’enquêtes judiciaires.

Cette décision d’illégalité est une victoire sans précédent dans notre lutte contre la VSA. Les habitant·es de toute ville, à l’instar de Saint-Denis, Reims ou encore Brest qui ont choisi de mettre en place ce type de surveillance algorithmique, peuvent légitimement en demander l’arrêt immédiat. Les promoteurs politiques et économiques de la Technopolice doivent faire face à la réalité : leurs velléités de surveillance et de contrôle de la population n’ont pas leur place dans notre société. La CNIL n’a plus d’autre choix que d’admettre son erreur et sanctionner les communes qui continueraient d’utiliser de la VSA.

C’est grâce à vos dons que nous avons pu mener cette lutte jusqu’à son dénouement heureux aujourd’hui, et nous avons toujours besoin de votre aide pour continuer demain !


Quand la loi « Narcotrafic » devient la loi « Roue libre »

Wed, 29 Jan 2025 14:25:12 +0000 - (source)

Le Sénat a débuté hier la discussion en hémicycle de la proposition de loi dite « Narcotrafic », dont les mesures de surveillance et répressives nous inquiètent particulièrement, à La Quadrature comme avec les autres organisations de l’Observatoire des Libertés et du Numérique. À la lecture des amendements adoptés à ce stade, nous constatons que les sénateurs se sont manifestement senti pousser des ailes. Ils ont adopté nombre de mesures qui semblent irréelle tant elles sont dangereuses, faisant sauter autant que possible les limites de la surveillance et des pouvoirs répressifs. Voici un aperçu de ce florilège autoritaire.

Tout d’abord, les sénateurs ont signé le retour de l’activation à distance des objets connectés pour filmer et écouter les personnes à leur insu. Proposée par Eric Dupont-Moretti en 2023 dans une loi de réforme de la justice, cette mesure de surveillance avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Cela n’empêche pas les parlementaires de réintroduire aujourd’hui dans le texte un régime quasi identique, qui présente les mêmes dangers qu’il y a deux ans. Ainsi, aussi bien les appareils fixes (voir l’amendement) que mobiles (voir l’amendement) seraient transformés en mouchards pour la poursuite de certaines infractions. C’est une poursuite du processus de légalisation des logiciels espions (comme ceux de NSO/Pegasus) là où l’urgence serait de les interdire tant ils sont dangereux pour les équilibres démocratiques et les libertés individuelles.

Ensuite, les sénateurs tentent de donner corps à l’obsession des dirigeants ces dernières années : accéder au contenu des communications chiffrées, par exemple via les applications Whatsapp, Signal ou Telegram (lire l’amendement). Et cela fait autant d’années que les organisations comme La Quadrature, les experts en cryptographie ou même l’ANSSI le répètent : non seulement cette mesure est impossible techniquement mais elle contrevient à toutes les exigences de sécurité numérique. Le chiffrement de bout-en-bout est conçu pour que les entreprises elles-mêmes n’aient pas accès aux messages. Introduire un accès, une « backdoor », affaiblirait le niveau de protection de l’ensemble des communications et cela n’est d’ailleurs prévu nulle part dans le monde. Le chiffrement est une mesure de sécurité, le casser rendrait le monde numérique vulnérable et personne n’y a intérêt. Mais pourquoi s’embarrasser de la vérité quand on peut faire du sensationnel ? Il est urgent que cette modification soit retirée du texte.

Les sénateurs ont ensuite continué leur festival en élargissant la possibilité pour les policiers de Pharos de censurer les contenus liés aux stupéfiants (voir l’amendement). Les Sénateurs ont ainsi voté un amendement du Gouvernement élargissant cette censure, jusqu’à présent « limitée » aux contenus faisant référence à la vente de drogue, pour englober les contenus concernant toutes les infractions liées au trafic de stupéfiants. Cette volonté de verrouiller Internet ne peut que mener à des abus au regard du volume de contenus concerné, et au cadre extra-judiciaire de ces censures. Comment les policiers sauront-ils faire la différence entre des mèmes ou des blagues sur la drogue ou encore des extraits de films ou de clips sortis de leur contexte ? Et surtout, en quoi le retrait de ces contenus auraient véritablement un impact sur la problématique sociale de la consommation de drogues, qui repose sur tellement d’autres facteurs ? Les décennies passent et pourtant le réflexe inutile et dangereux de censurer et verrouiller les moyens de communication ne s’est manifestement pas perdu.

Bien d’autres élargissements répressifs sont prévus, mais s’agissant des enjeux numériques les sénateurs ont aussi décidé de s’en prendre aux opérateurs en renforçant les conditions de vente des cartes SIM prépayées et en imposant de conserver pendant cinq (!) années les données personnelles des personnes les ayant achetées (voir l’amendement).

L’examen du texte n’est pas fini que le Sénat est déjà en roue libre à écraser les libertés fondamentales et les règles protectrices de la procédure pénale, galvanisé par le traitement médiatique et politique du sujet lié au trafic de drogues et les largesses consenties au Gouvernement Bayrou à l’égard de l’extrême-droite. Cela permet à la « chambre haute » de mettre en pratique ses obsessions de surveillance rabâchées depuis des années. Nous attendons avec crainte les discussions à venir sur le reste du texte et notamment concernant le « dossier coffre » qui créerait une procédure secrète pour empêcher les personnes de connaître – et donc de contester – la manière dont elles sont surveillées et les très larges élargissements des pouvoirs des services de renseignement. Surtout, il faut avoir conscience que ces modifications s’appliquent à l’ensemble du régime de criminalité organisée, qui va bien au delà des personnes impliquées dans le trafic de drogue.

Il est plus que temps que les membres des partis qui votent de telles mesures se ressaisissent et retournent dans le « champ républicain » et dans les perspectives de l’État de droit au lieu de faire la course à l’autoritarisme pour tenter d’égaler l’extrême droite et la droite extrême dans son délire sécuritaire.


PPL Narcotrafic : les droits et libertés à nouveau victimes de l’addiction aux lois sécuritaires

Tue, 28 Jan 2025 13:37:16 +0000 - (source)

Communiqué de l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN), Paris, le 28 janvier 2025.

Voilà des mois que nos responsables politiques font mine de faire la guerre au trafic de drogues et que les médias leur emboîtent le pas de façon sensationnaliste, en amplifiant des faits graves, des tragédies humaines ou en donnant de l’écho à des opérations « choc ». Les sénateurs Jérome Durain (PS) et Étienne Blanc (LR), en cheville avec les ministres de l’Intérieur et de la Justice, cherchent à renforcer le dispositif répressif et de surveillance, abaisser le contrôle de l’activité policière et réduire les droits de la défense au nom de la lutte contre le trafic de stupéfiants.

L’Observatoire des Libertés et du Numérique (OLN) souhaite alerter sur les dangers de ce texte qui, au prétexte d’une reprise en main d’une problématique sociétale pourtant loin d’être nouvelle et appelant d’autres solutions que le tout répressif – comme le rappelait récemment le Haut commissaire aux droits humains de l’ONU -, vise à introduire et renforcer des mesures dangereuses pour les libertés et dérogatoires au droit commun.

La proposition de loi « Sortir la France du piège du narcotrafic », outre qu’elle convoque l’imaginaire des cartels mexicains, vise à renforcer largement le régime juridique d’exception de la criminalité organisée. Ce dernier déroge déjà au droit commun en ce qu’il permet que soient utilisés les moyens d’enquête les plus intrusifs et attentatoires à la vie privée dès lors que la commission de l’une des infractions figurant sur une liste qui ne cesse de s’allonger, est suspectée. Elle englobe ainsi une grande partie des crimes et délits lorsqu’ils sont commis en bande organisée ou via la constitution d’une association de malfaiteurs, mais aussi toutes les infractions relevant du trafic de stupéfiants.

La notion de criminalité organisée, insérée en 2004 dans le code de procédure pénale officiellement pour cibler des réseaux mafieux, s’applique donc en réalité à de nombreuses autres situations. Aujourd’hui, elle légitime, comme la lutte contre le terrorisme avant elle, d’élargir toujours plus les mécanismes d’exception en vue d’une répression accrue, au nom d’une logique d’efficacité, mais dont l’expérience montre qu’ils sont toujours détournés de leur finalité initiale. Par exemple, la qualification d’association de malfaiteurs a pu être utilisée dans des affaires relatives à des actions militantes, comme à Bure contre l’enfouissement des déchets nucléaires. En outre, depuis une réforme de 2016, les pouvoirs d’enquêtes du parquet, non indépendant car soumis à l’autorité hiérarchique du Garde des Sceaux, ont été renforcés et élargis en matière de criminalité organisée, évinçant encore un peu plus les garanties attachées à l’intervention du juge d’instruction.

Mais surtout, ce texte prévoit de faire tomber toujours un peu plus les barrières encadrant la surveillance policière. À titre d’illustration, il propose d’élargir le champ d’utilisation des « boites noires », cette technique de renseignement qui analyse les données de toutes nos communications et données récupérées sur internet via des algorithmes au motif de « détecter » de nouveaux suspects, technique que nous dénonçons depuis sa création. Initialement prévue pour le seul champ du terrorisme, elle a récemment été étendue aux « ingérences étrangères » et serait donc désormais aussi autorisée « pour la détection des connexions susceptibles de révéler des actes de délinquance et à la criminalité organisées ».

Le texte vise en outre à étendre la durée d’autorisation de la surveillance par géolocalisation ainsi que pour l’accès à distance aux correspondances en matière de criminalité organisée, tandis que l’article 23 amorce la possibilité d’utiliser les drones dans les prisons. De plus, il permettra à la police – via le service Pharos – de censurer sur internet « tout contenu faisant la promotion de produits stupéfiants ». Cette censure administrative avait été autorisée dans un premier temps pour les contenus pédopornographiques avant d’être étendue au terrorisme. Vous avez dit effet « cliquet » ? Ce texte constitue incontestablement une étape de plus vers la surveillance de masse et l’extension des pouvoirs de contrôle sécuritaire.

Enfin, il innove avec une mesure extrêmement inquiétante : « le dossier coffre », ou « procès-verbal distinct ». Prévue à l’article 16 du texte, cette mesure a pour objectif d’empêcher les personnes poursuivies de connaître la manière dont elles ont été surveillées pendant l’enquête, afin qu’elles ne puissent pas contourner cette surveillance à l’avenir ou la contester dans le cadre de la procédure. Les sénateurs proposent ainsi tout bonnement que les procès-verbaux autorisant et détaillant les modalités de mise en œuvre de cette surveillance ne soient pas versés au dossier, autrement dit qu’ils ne puisse jamais être débattus. Les personnes poursuivies n’auraient ainsi plus aucun moyen de savoir ni de contester quand et comment elles ont été surveillées, y compris donc, en cas de potentiels abus des services d’enquête. Le législateur créerait une nouvelle forme de procédure secrète, introduisant par là une faille béante dans le respect du principe du contradictoire et par suite dans le droit pourtant fondamental à se défendre, maillon essentiel d’une justice équitable et d’une société démocratique.

Si nous ne sommes à l’évidence plus étonnés de l’affaiblissement progressif des libertés publiques au nom des discours sécuritaires, une attaque à ce point décomplexée des principes fondateurs d’une justice démocratique témoigne de la profonde perte de repères et de valeurs des actuels responsables publics. Parce que la proposition de loi relative au trafic de drogues suscite de graves inquiétudes quant à l’atteinte aux droits et libertés fondamentales, nous appelons l’ensemble des parlementaires à rejeter ce texte.

Organisations signataires membres de l’OLN : Globenet, Creis-Terminal, la Ligue des droits de l’Homme (LDH), le Syndicat des Avocats de France (SAF), le Syndicat de la Magistrature (SM), La Quadrature du Net (LQDN), le CECIL.


Les contenus haineux et négatifs sont rentables pour les médias sociaux publicitaires

Mon, 20 Jan 2025 14:57:53 +0000 - (source)

Ce 20 janvier, 5 personnalités d’associations citoyennes expliquent dans cette tribune les liens, entre médias sociaux publicitaires et les contenus haineux et négatifs. Elles appellent à aller sur des réseaux sociaux sans pub, à bloquer la publicité sur internet, à financer autrement les médias et à avoir des lois protégeant les usager·éres d’internet de ces dérives.

Elon Musk sera nommé au gouvernement de Donald Trump ce 20 janvier.

Pour protester contre son investiture et ouvrir une réflexion sur l’impact politique des réseaux sociaux, un collectif a lancé HelloQuitteX. Cette communauté a pour but de donner des outils et inciter à aller vers des réseaux sociaux « plus ouverts et sains »1.

Le rachat de Twitter par Elon Musk en 2022 avait déjà allumé des inquiétudes qui sont loin d’être calmées. Celui-ci se targue désormais d’utiliser sa plateforme comme une arme au service des candidat·es qui lui plaisent : Donald Trump, ou récemment le parti d’extrême droite allemand l’AfD.

HelloQuitteX et les déclarations provocatrices d’Elon Musk marquent une étape dans la reconnaissance de ce que l’on sait depuis longtemps : les plateformes et leur architecture ont un effet sur les contenus qui s’y échangent, et donc les visions du monde de leurs utilisateur·ices.

Changer de réseau social ne sera pas suffisant : il faut changer leur modèle de financement. Car ces dérives ne sont pas uniquement liées aux personnalités d’Elon Musk, Jeff Bezos ou Mark Zuckerberg, elles sont inscrites dans l’architecture d’Internet.

La publicité est la source principale de financement des sites Internet2. Les plateformes ont donc besoin de nous connaître, le plus intimement possible. Plus elles possèdent d’informations sur nous, plus elles pourront cibler les publicités et mesurer leur efficacité, satisfaisant ainsi leurs véritables clients : les annonceurs.

Les plateformes ont mis en place une architecture de surveillance qui n’a rien à envier à celles des pires dystopies, dans le but principal de vendre plus cher leurs espaces publicitaires3.

Les réseaux sociaux ont un intérêt économique énorme à nous garder devant nos écrans, et rivalisent de techniques pour nous rendre « accros » à leurs applications, malgré les effets négatifs qu’ils entraînent4.

Mais ce n’est pas tout. Pour améliorer encore l’efficacité des publicités, ces réseaux sociaux se vantent de modifier nos émotions. Les recherches internes de Facebook ont montré que l’entreprise pouvait, en modifiant le fil d’actualités, influer sur l’humeur de ses utilisateur·ices5.

Meta propose donc aux annonceurs de cibler leurs annonces vers les moments où l’internaute se sent « mal dans sa peau » ou « en manque de reconnaissance », car ses recherches ont montré que les actes d’achat venaient pallier aux souffrances du quotidien. Meta favorise donc les contenus négatifs ou polarisants. Résultat ? « Plus les ados vont sur Instagram, plus leur bien-être général, leur confiance en soi, leur satisfaction à l’égard de la vie, leur humeur et l’image qu’ils ont de leur corps se dégradent »6. En 2016, une publication interne à Facebook montrait que « 64% des entrées dans des groupes extrémistes sont dûes à nos outils de recommandation »7. Ce n’est pas du hasard, c’est parce que c’est rentable.

Ils poussent ainsi tous les acteurs du jeu politique à aligner leur communication sur des contenus haineux et sans concessions. Les internautes sont enfermés dans des « bulles de filtres », entouré·es de contenus justifiant et radicalisant leurs opinions sans jamais les ouvrir à la contradiction8.

Le débat public et les discussions constructives entre internautes en deviennent de plus en plus difficiles, et cette sensation de différences irréconciliables se transfère vers les discussions en chair et en os9. Le discours de haine n’est pas qu’une abstraction numérique, il peut attiser la violence, miner la cohésion sociale, et causer des blessures profondes qui vont bien au delà des écrans, comme de nombreux rapports d’associations et institutions l’attestent10.

Ces contenus viennent nourrir des « visions du monde »11 basées sur la peur et une sensation d’envahissement, venant ainsi conforter encore les tenants du « Grand Remplacement » et autres arguments portés par les mouvements d’extrême-droite.

Quitter X pour aller sur un autre réseau social publicitaire comme BlueSky ne réglera donc pas le problème. Petit à petit, les pressions financières le porteront à modifier ses contenus vers plus de publicité12, et donc une emprise toujours plus grande de la manipulation13.

À ces effets structurels s’ajoute la guerre culturelle menée par certains grands milliardaires de la tech comme Elon Musk et récemment Mark Zuckerberg, pour imposer des idées ultra-libérales et ouvertement d’extrême droite. La concentration du secteur autour de quelques entreprises monopolistiques14 permet à ces hommes d’imposer leur vision du monde en utilisant les plateformes comme des porte-voix. Ils modèlent les règles de partage des contenus en faisant passer leur propagande pour de la liberté d’expression15.

La publicité en tant que source principale de financement des réseaux sociaux est responsable de toutes ces dérives. Pour espérer les réguler, il faut prendre en compte ce mécanisme fondamental.

C’est pourquoi nous relayons l’appel à quitter X, tout en questionnant nos pratiques des réseaux sociaux et services numériques basés sur la publicité.

Il existe de nombreuses alternatives libres efficaces comme les réseaux sociaux du Fediverse (Mastodon, Pixelfed,…), les suites de Framasoft pour les bureautiques partagés, ou PeerTube pour les vidéos.

Il est aussi particulièrement important d’installer un bloqueur de publicité, pour plus de confort de navigation et cesser de nourrir la machine à récolter les données. Le site bloquelapub.net présente des tutoriels simples.

Enfin, toutes ces mesures individuelles doivent nécessairement être complétées par des mesures contraignantes au niveau législatif. Une première étape pourrait être de rendre les réseaux sociaux responsables des contenus qui s’y échangent. Le site de La Quadrature du Net détaille les différentes lois nationales et européennes tout en donnant des pistes pour pallier aux manques16.

Il est aussi urgent de réfléchir à des modèles de financement alternatifs à la fausse gratuité publicitaire. Pour cela, nous appelons les médias et sites intéressés à prendre contact avec nous pour réfléchir ensemble à d’autres modèles possibles.

Thomas Citharel, codirecteur de Framasoft

Raquel Radaut, militante et porte-parole à La Quadrature du Net

Marie Youakim, co-présidente de Ritimo

Marie Cousin, co-présidente de Résistance à l’Agression Publicitaire

Tanguy Delaire, militant de Résistance à l’Agression Publicitaire

1Voir le manifeste de HelloQuittX https://www.helloquitx.com/MANIFESTO-HelloQuitteX.html

2Voir Shoshanna ZUBOFF, L’Âge du capitalisme de surveillance, Zulma, 2022

3Ethan ZUCKERMAN, « The Internet’s Original Sin », The Atlantic, 14 août 2014, https://www.theatlantic.com/technology/archive/2014/08/advertising-is-the-internets-original-sin/376041/

4Voir à ce sujet la mini série Dopamine, diffusée sur Arte : https://www.arte.tv/fr/videos/RC-017841/dopamine/

5Selon Frances Haugen, ancienne employée de Facebook, lanceuse d’alerte, citée par David CHAVALARIAS, Toxic Data, Comment les réseaux manipulent nos opinions, Flammarion, 2022, p. 100

6Christia SPEARS BROWN, « Comment plusieurs études montrent qu’Instagram peut nuire au bien-être des jeunes », The Conversation, 26 septembre 2021 https://theconversation.com/comment-plusieurs-etudes-montrent-quinstagram-peut-nuire-au-bien-etre-des-jeunes-168514

7Mathilde SALIOU, Technoféminisme, Comment le numérique aggrave les inégalités, Éditions Grasset & Fasquelle, 2023, p. 59

8Voir l’analyse de David Chavalarias : David CHAVALARIAS, Toxic Data, op. cit.

9Tanguy DELAIRE, « Publicité sur Internet : un terrain favorable à l’extrême droite », Le Club de Mediapart, 13 novembre 2024

10 Voir par exemple  le constat d’Amnesty International ‘ https://www.amnesty.fr/actualites/sinformer-se-former-eduquer-et-agir-face-a-la-montee-des-discours-de-haine-et-anti-droits ou celui de la commission européenne https://www.coe.int/fr/web/combating-hate-speech/what-is-hate-speech-and-why-is-it-a-problem- ) ou encore ce que rapportait en juin 2024 le secrétaire général de l’ONU « L’impact négatif des discours de haine sur la paix, le développement durable, les droits de l’homme et la prévention des génocides et des crimes connexes continue d’être observé dans le monde entier » ( https://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/juin-2024/la-jeunesse-au-service-de-la-lutte-contre-les-discours-dincitation-%C3%A0-la-haine ). »

11Voir Félicien FAURY, Des électeurs ordinaires, Enquête sur la normalisation de l’extrême droite, Éditions du Seuil, 2024

12On lit sur le site de HelloQuitteX « À noter que Bluesky a récemment fait entrer un investisseur privé, Blockchain Capital, une entreprise du monde de la blockchain et des cryptomonnaies, ce qui influencera peut-être à l’avenir son modèle économique. » https://helloquittex.com/Quitter-Twitter-X-Etape-2-Je-cree-un-compte-Mastodon-et-ou-Bluesky.html consulté le 9 janvier 2025

13Blog de Résistance à l’Agression Publicitaire, « Publicité : l’industrialisation de la manipulation », Le Club de Mediapart, 23 novembre 2021 https://blogs.mediapart.fr/resistance-agression-pub/blog/231121/publicite-lindustrialisation-de-la-manipulation

14Nikos SMYRNAIOS, « Les GAFAM, entre emprise structurelle et crise d’hégémonie », Pouvoirs, N° 185(2), 19-30, https://droit.cairn.info/revue-pouvoirs-2023-2-page-19?lang=fr

15AFP, Le Nouvel Obs, « Meta met fin à son programme de fact-checking aux Etats-Unis, Musk trouve ça « cool », Trump dit qu’il a « probablement » influencé la décision », Le Nouvel Observateur, 7 janvier 2025 https://www.nouvelobs.com/monde/20250107.OBS98735/meta-met-fin-a-son-programme-de-fact-checking-aux-etats-unis-musk-trouve-ca-cool-trump-dit-qu-il-a-probablement-influence-la-decision.html

16Voir par exemple l‘analyse du « Règlement IA » adopté par la commission européenne en mai 2024 : https://www.laquadrature.net/2024/05/22/le-reglement-ia-adopte-la-fuite-en-avant-techno-solutionniste-peut-se-poursuivre/ ou « ou les propositions en terme d’interopérabilité des réseaux sociaux : https://www.laquadrature.net/?s=interop%C3%A9rabilit%C3%A9« 


Nous quittons Twitter

Mon, 20 Jan 2025 12:47:05 +0000 - (source)

Nous avons pris la décision de quitter X, anciennement Twitter, ce lundi 20 janvier 2025. Cette décision est mûrement réfléchie ; Twitter encourage depuis longtemps les discours de haine et le harcèlement mais, ces derniers mois, il est devenu l’espace d’expression privilégié de l’extrême droite.

Nous nous joignons donc, comme des milliers de personnes, à l’initiative HelloQuitX afin de réamorcer la désertion des réseaux sociaux commerciaux centralisés vers de meilleurs espaces. Elle facilite notamment le départ en Twitter en proposant un outil de migration.

En effet, le retour de Donald Trump au pouvoir marque un tournant dans l’histoire de X. Le soutien d’Elon Musk, patron de X, à la candidature de D. Trump a conduit à des changements significatifs dans la modération et l’algorithme de la plateforme. Les contenus fascistes ont été fortement mis en avant, tandis que les contenus issus des luttes pour l’émancipation ont vu leur portée réduite. Nous l’avons personnellement constaté, notre compte ayant une portée bien moindre qu’auparavant, ce qui nous a aussi amené à réfléchir à la pertinence de notre présence sur cette plateforme.

Depuis notre création, nous luttons contre la centralisation des plateformes numériques et ses conséquences. Nous avons notamment régulièrement souligné les risques d’une concentration excessive du pouvoir dans les mains d’entreprises privées. Nous reconnaissions malgré tout l’importance de l’effet de réseau dont bénéficiait Twitter et c’est pour ça que jusqu’à présent nous y étions resté.es. Il s’agissait de garder le contact avec nos sympathisant.es et les organisations qui partagent nos valeurs.

Cependant, maintenant qu’un départ collectif se met en place grâce à HelloQuitX, nous considérons qu’il est temps de prendre une décision courageuse et de participer à montrer l’exemple, en attendant que des initiatives similaires puissent bientôt s’organiser contre d’autres réseaux sociaux centralisés et toxiques, à commencer par ceux de Mark Zuckerberg, patron de Meta.

Des alternatives existent, et nous gérons depuis longtemps un serveur faisant partie du réseau Mastodon : mamot.fr. Mastodon est un réseau qui permet une modération propre à chaque serveur, qui soit à l’image de sa communauté. Avec déjà plusieurs millions d’utilisateurices, nous sommes convaincu.es que Mastodon est la meilleure alternative à Twitter pour nous.

BlueSky existe également, mais nous craignons que ce réseau répète les erreurs de Twitter. La décentralisation de cette plateforme est pour l’heure limitée et nous sommes inquiet.es quant au contrôle qu’une entreprise unique pourrait exercer sur elle.

Afin de vous permettre de quitter X tranquillement, nous avons aussi pris la décision d’ouvrir temporairement les inscriptions sur Mamot.fr, notre instance Mastodon où sont déjà inscrites 43 000 personnes. Vous pouvez vous y faire un compte dès maintenant, gratuitement. Vous pouvez aussi trouver d’autres serveurs sur joinmastodon.org . Et grâce à l’interopérabilité, vous pouvez suivre les millions d’autres personnes inscrites sur d’autres serveurs Mastodon depuis Mamot.fr, ainsi que suivre des comptes sur Peertube, Pixelfed et d’autres.

Notre compte Mastodon est sur https://mamot.fr/@LaQuadrature. Nous serons heureux de discuter avec vous sur ce réseau social fédéré !

Nous vous invitons à rejoindre le mouvement qui se met en place grâce à HelloQuitX. Rejoignez-nous sur Mastodon et parlez-en avec vos amis et autour de vous ! Ensemble, nous pouvons créer un avenir meilleur et des réseaux sociaux libres.


Les trous noirs dans le contrôle des services de renseignement

Mon, 23 Dec 2024 13:12:28 +0000 - (source)

Ce texte restitue la prise de parole d’un membre de La Quadrature du Net à l’occasion d’un colloque organisé conjointement par la revue Études Françaises de Renseignement et de Cyber et par la CNCTR, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, à Paris le 14 octobre 2024.

Ces dernières années, les services de renseignement français ont connu une croissance continue de leurs pouvoirs, qu’il s’agisse des ressources budgétaires et humaines dont ils disposent que des prérogatives juridiques dont ils bénéficient. Or, l’enjeu du contrôle démocratique du renseignement – historiquement faible dans ces matières relevant de la raison d’État, et ce particulièrement en France – est largement resté secondaire. Il n’est donc pas surprenant de constater la permanence de véritables « trous noirs » dans le dispositif institutionnel français.

Opacité

Avant d’en venir à ces trous noirs, le premier point qu’il nous faut aborder à trait l’opacité des politiques publiques du renseignement, et la façon dont ce manque de transparence empêche une organisation comme La Quadrature du Net de cultiver une expertise sur le renseignement, et donc de porter une critique correctement informée, et donc perçue comme légitime. Si c’est à l’honneur des deux présidents de la CNCTR que d’avoir accepté, à l’occasion, de nous rencontrer, que dire des silences assourdissants que des parlementaires de la Délégation parlementaire au renseignement, des services eux-mêmes, ont opposé à nos demandes répétées de rendez-vous et d’échange ?

Ce colloque – le premier du genre – est certes bienvenu. Mais il ne permet pas de remédier à l’opacité systémique du champ du renseignement, la manière dont il maintient sciemment tout critique externe à distance, qu’il s’agisse de celle nourrie par des journalistes d’investigation ou de groupes militants attachés à la défense des droits humains. Alors que dans l’histoire du renseignement, en France et dans d’autres pays, c’est presque toujours cette critique externe qui semble avoir permis de remédier aux abus les plus graves, de documenter les illégalités en matière de surveillance, et ce bien sûr en lien avec leurs sources et autres lanceurs d’alerte issus le plus souvent des services.

Cette critique externe ne joue pas seulement un rôle crucial dans le cadre des controverses qui, régulièrement, se nouent autour des servies de renseignement. Elle est aussi nécessaire au travail des organes de contrôle institutionnalisés, ne serait-ce que pour leur permettre d’entendre un autre son de cloche, d’autoriser une forme de pluralisme dans ces matières, et faire en sorte que ces organes puissent être exposés à un autre d’autres points de vue. Cela est de nature à éviter que ces organes ne deviennent inféodés aux services qu’ils sont censés contrôler.

De fait, en dehors des quelques informations ayant filtré via des journalistes, et outre les rares allusions faites par les responsables du renseignement lors d’auditions parlementaires ou par la CNCTR, aucune information officielle n’est fournie en France quant à la nature et le coût des technologies de surveillance déployées par les services pour collecter, stocker et analyser les communications et autres données numériques. L’enjeu de leur imbrication dans les processus de production du renseignement, la nature des marchés publics et l’identité des sous-traitants privés, et même les interprétations juridiques ayant cours au sein des services quant à l’utilisation de ces système, restent également marqués par une grande opacité.

Pour finir, rappelons que cette opacité est d’autant plus illégitime, d’autant plus dangereuse, que depuis la dernière publication de la stratégie nationale du renseignement en 2019, et grâce aux rapports de la CNCTR depuis lors, on sait que l’activité des services dans les matières les plus sensibles sur le plan démocratique – qu’on pense à la surveillance des mouvements sociaux —, sont en forte recrudescence. C’est notamment le cas s’agissant de groupes militants non seulement légitimes en démocratie mais nécessaires pour sortir nos sociétés de leur immobilisme face à la crise sociale et écologique.

Techniques

Outre cette opacité systémique, le droit du renseignement français reste marqué par de véritables trous noirs dans le contrôle de certaines modalités de collecte ou d’analyse des données. Passons donc en revue certaines des plus graves lacune du cadre juridique français.

Le plus significatif réside sans aucun doute dans l’absence de contrôle des échanges de données avec des services de renseignement étrangers. Depuis plusieurs années, la CNCTR demande de pouvoir contrôler le partage de données entre services français et services étrangers. En France, la question est d’autant plus pressante que les flux de données échangés entre la DGSE et la NSA ont connu une augmentation rapide suite à la conclusion des accords SPINS, signés fin 2015.
Or, la loi française exclut explicitement tout contrôle de la CNCTR sur ces collaborations internationales nourries par des services jouissant d’une forte autonomie.

Dans son rapport annuel publié en 2019, la CNCTR admettait que ce trou noir dans le contrôle du renseignement présentait un risque majeur, puisqu’il pourrait permettre aux services français de recevoir de leurs homologues des données qu’ils n’auraient pas pu se procurer légalement au travers des procédures définies dans la loi française. Dans le langage feutré qui la caractérise, la commission estimait qu’« une réflexion devait être menée sur l’encadrement légal des échanges de données entre les services de renseignement français et leurs partenaires étrangers ». La CEDH a en effet rappelé dans son arrêt Big Brother Watch du 25 mai 2021 que ces échanges devaient être encadrés par le droit national et soumis au contrôle d’une autorité indépendante (§ 362). Pourtant, à ce jour, la France est le dernier État membre de l’Union européenne à ne disposer d’aucun cadre juridique pour encadrer ces échanges internationaux.

Un autre de ces trous noirs est bien sûr l’immunité pénale liée à l’article 323-8 du code pénal et l’absence de tout encadrement législatif des activités de piratage informatique menées par les services français sur des équipements situés hors des frontières nationales. Cette absence d’encadrement conduit à ce que ces activités soient de facto illégales. L’immunité pénale ainsi accordée apparaît également contraire à l’article 32(b) de la convention de Budapest sur la cybercriminalité.

Autre forme de surveillance non couverte par la loi et donc tout aussi illégale : la surveillance dite « en source ouverte » (OSINT), notamment sur les réseaux sociaux comme Facebook ou X – une activité sur laquelle peu de choses ont fuité dans la presse mais dont on sait qu’elle a pris une importance croissante ces dix dernières années. L’achat de données aux data brokers n’est pas non plus régulé en droit français. Or rien ne permet de penser que cette activité, qui a fait la controverse aux États-Unis, ne soit pas aussi coutumière pour les services français.

Droits et garanties

Le droit français présente aussi d’énormes lacunes du point de vue des droits apportés aux personnes surveillées.

Le droit à l’information tout d’abord. Il s’agit-là d’un principe essentiel dégagé par la jurisprudence européenne : les personnes ayant fait l’objet d’une mesure de surveillance secrète doivent pouvoir en être informées, dès lors qu’une telle information n’est plus susceptible d’entraver l’enquête menée à leur encontre par les services. Dès son rapport publié en janvier 2018, la CNCTR passait en revue la jurisprudence afférente et mentionnait plusieurs exemples de législations étrangères – la loi allemande notamment – garantissant une procédure de notification des personnes surveillées, prévoyant un certain nombre d’exceptions étroitement limitées.

Il y a enfin l’absence de pouvoirs octroyés à la CNCTR pour tenir en échec des formes de surveillance illégale, et notamment l’absence d’avis conforme. Le Conseil d’État rappelait pourtant dans son arrêt du 21 avril 2021 relatif à la conservation généralisée des données de connexion que ce dernier était une exigence du point de vue du droit de l’Union européenne. Dans cette décision qui donnait largement gain de cause au gouvernement, le Conseil d’État se fondait sur l’arrêt La Quadrature du Net de la CJUE, en date d’octobre 2020, pour exiger que les avis rendus par la CNCTR sur les mesures de surveillance soient « conformes » (c’est-à-dire impératifs pour le gouvernement) et non plus simplement consultatifs.

Ces quelques aspects, loin de donner un aperçu exhaustif de tous les problèmes posés par le droit français en matière de surveillance numérique conduite par les services de renseignement, suffit à illustrer le fait que, en dépit des compliments reçus par la France de la part d’un certain rapporteur de l’ONU à la vie privée qui restera de triste mémoire, la France a encore beaucoup à faire pour se hisser au niveau des standards internationaux, lesquels devraient pourtant être considéré comme un socle minimal dans tout État de droit qui se respecte.

2025 marquera les 10 ans de la loi renseignement. Pour continuer notre travail sur la surveillance d’État l’année prochaine, nous avons besoin de votre soutien. Alors si vous le pouvez, faites un don à La Quadrature du Net.


QSPTAG #316 — 20 décembre 2024

Fri, 20 Dec 2024 16:29:05 +0000 - (source)

Campagne de soutien 2025 : C’est pas de l’IA, c’est de l’exploitation dernier cri

Pour animer notre campagne de dons de fin d’année, nous avons choisi de traiter le thème de l’IA, qui sera un de nos grands axes de travail en 2025 : au lieu de tomber dans le panneau des fantasmes inutiles — ceux d’une intelligence surhumaine qui détruira l’humanité ou qui la sauvera de ses propres errements — et si on s’intéressait plutôt à ses usages concrets et à ses effets réels ? Après un article d’introduction accompagné d’une vidéo, on s’est penché plus spécialement sur les algorithmes de « scoring » utilisés par les administrations sociales, en lien avec notre campagne France Contrôle. La semaine suivante, on est allé à Marseille pour suivre le travail du collectif Le Nuage était sous nos pieds, dont font partie des membres de La Quadrature, qui étudie l’impact des infrastructures du numérique, démultipliées par l’IA, sur les villes, les ressources et les personnes. Et cette semaine, on revient sur la place de l’IA dans les discours sécuritaires et dans les dispositifs de surveillance qui se déploient aujourd’hui, au présent, dans nos rues. Une vidéo qui rejoint évidemment nos campagnes Technopolice et Pas de VSA dans ma ville. C’est pas de l’IA, c’est de la surveillance, du contrôle social et beaucoup, beaucoup de discours creux qui cachent la réalité d’un numérique au service de la contrainte et de l’exploitation des ressources et des personnes. Soutenez La Quadrature en 2025, faites-nous un don si vous pouvez !

Rendez-vous sur la page de la campagne de dons : https://www.laquadrature.net/donner/
Introduction : https://www.laquadrature.net/2024/11/29/cest-pas-de-lia-cest-de-lexploitation-dernier-cri/
Vidéo générale : https://video.lqdn.fr/w/kzeD86nXj12pKnEqwZKQEF
Vidéo IA et contrôle social : https://video.lqdn.fr/w/6Gi2v2ZhqDYWfvk3HP2MrR
Vidéo IA et écologie : https://video.lqdn.fr/w/48uz581ZbdNvWyXC9KV37n
Vidéo IA et Technopolice : https://video.lqdn.fr/w/6aMhTgir5dGpn8ByQjR87i

Attrap est public : un outil pour repérer les arrêtés préfectoraux trop discrets

Depuis que l’utilisation des drones policiers a été légalisée par la loi Sécurité intérieure de 2022, et l’utilisation « expérimentale » de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) par la loi Jeux Olympiques de 2023, nous passons du temps à chercher des arrêtés préfectoraux en ligne. Pas pour le plaisir (encore que), mais parce que chaque sortie des drones policiers et chaque déclenchement de la VSA doit être autorisé et précédé par un arrêté du préfet, qui doit être rendu public. Et c’est là que ça se complique : documents publiés à la dernière minute (ou même après), documents planqués dans les arrière-fonds des sites web des préfectures, documents scannés au format image donc inaccessibles aux outils de recherche de texte, processus différents d’une préfecture à l’autre, architecture des sites préfectoraux pas du tout standardisée, etc. On pourrait presque croire que tout est fait pour que l’information soit aussi difficile à trouver que possible. Le pouvoir a une habitude de secret et de discrétion, il ne faudrait quand même pas que la population, les journalistes, les chercheur·euses ou les militant·es exercent leur droit trop facilement.

Mais comme La Quadrature est un mélange de juristes et de geeks, et parfois de juristes-geeks, on a développé un outil pour abattre le boulot et explorer pour nous les sites préfectoraux et rapporter les arrêtés en fonction des mots clés qu’on lui donne. « On » s’appelle d’abord Bastien, vite rejoint par Nono et par une bande de bénévoles, merci à elleux, pour déchiffrer et défricher les labyrinthes préfectoraux et perfectionner l’outil. Aucune IA n’a été maltraitée durant ce processus, seulement des militant·es motivé·es. Le logiciel s’appelle Automate de Traque de Termes et de Recherche dans les Arrêtés Préfectoraux, ou Attrap pour faire plus court – et c’est également plus facile à prononcer, ça tombe quand même drôlement bien.

On utilise Attrap depuis quelques mois, avec des recherches sur les mots-clés liés aux drones et à la VSA, pour alimenter un compte Mastodon nommé Attrap’Surveillance et documenter la mise en œuvre quasi quotidienne de ces dispositifs de surveillance qui nous paraissaient encore si effrayants et exotiques lors du confinement de mars 2020.
On avait en tête depuis le début de rendre un jour l’outil public pour que tout le monde puisse s’en servir. C’est chose faite. Le site Attrap est en ligne depuis quelques jours, avec un article qui explique sa genèse et son utilité, et il fonctionne comme un moteur de recherche. On a aussi lancé des exemples de suivi de certaines décisions repérées par Attrap avec des thèmes précis, ici ou par exemple, en espérant que cela donnera envie à d’autres collectifs de s’approprier l’outil. Dorénavant Attrap est à vous : apprenez à connaître votre préfecture, ce n’est pas sale !

Et si vous allez en Allemagne au Chaos Computer Congress (CCC) cette année, vous pouvez venir ajouter de nouvelles préfectures dans le moteur de recherche, lors du hackathon Attrap organisé le 27 décembre à 18h au Komona. Une rumeur dit que les participant·es pourront récupérer des oreilles de chat qui brillent dans le noir en guise de petit remerciement…

Pour lire la présentation d’Attrap : https://www.laquadrature.net/2024/12/19/contre-lopacite-de-la-surveillance-locale-attrap-tes-arretes-prefectoraux/
Le compte Mastodon de Attrap’Surveillance : https://mamot.fr/@AttrapSurveillance
Pour utiliser Attrap tout de suite : attrap.fr

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Contre l’opacité de la surveillance locale : Attrap tes arrêtés préfectoraux !

Thu, 19 Dec 2024 13:12:10 +0000 - (source)

Un des obstacles les plus importants dans la lutte contre la Technopolice est l’opacité persistante de l’utilisation des technologies de surveillance. Pour contrer cette difficulté, La Quadrature du Net lance aujourd’hui Attrap (pour « Automate de Traque de Termes et de Recherche dans les Arrêtés Préfectoraux »), un moteur de recherche d’arrêtés préfectoraux qui contribue ainsi à une plus grande transparence de l’action de l’administration. Cet outil est destiné aux journalistes, militant·es, avocat·es, habitant·es qui souhaitent faire des recherches facilement et rapidement dans la masse d’arrêtés préfectoraux, et ainsi pouvoir connaître quels sont les outils de surveillance et de contrôle utilisés par l’État sur elles et eux.

Ces dernières années, la multiplication des outils de surveillance à disposition des autorités publiques s’est accompagnée d’une augmentation du pouvoir des préfets, émanations locales de l’État. Par exemple, depuis 1995, il revient aux préfets de département d’autoriser les communes ou commerces à mettre en place de la vidéosurveillance. On retrouve ce même mécanisme d’autorisation préfectorale pour les drones depuis 2023 ou, depuis la loi sur les Jeux Olympiques, pour la vidéosurveillance algorithmique dont la première autorisation a été délivrée en avril 2024.

Les préfets sont également dotés de pouvoirs d’interdictions ou de restrictions. Ils peuvent ainsi interdire des manifestations, créer des locaux de rétention administrative (équivalent temporaire des centres de rétention administratifs, CRA, qui servent à enfermer les personnes étrangères avant de les expulser) ou, depuis la loi SILT (qui introduisait en 2017 dans le droit commun les mesures de l’état d’urgence), mettre en place des « périmètres de sécurité ».

En théorie, toutes ces décisions des préfets doivent être publiées. Mais en pratique, il est très difficile d’accéder à cette information. Parfois, les préfectures communiquent sur les réseaux sociaux. Mais cela reste exceptionnel et cantonné à quelques grands événements. La plupart du temps, toutes ces décisions sont enterrées au fond des recueils des actes administratifs des préfectures.

Les recueils des actes administratifs, triste exemple d’inaccessibilité

Les recueils des actes administratifs (RAA) sont les journaux officiels des préfectures : dans un objectif très théorique de transparence, beaucoup de décisions prises par les préfectures doivent être publiée dans ces RAA. Cette publicité est cependant limitée en pratique : les RAA sont délibérément organisés de manière à être les moins accessibles possibles.

Prenons un cas pratique pour illustrer cette inaccessibilité. De passage à Antibes le week-end du 25-26 août 2024, vous avez constaté qu’un drone survolait le centre-ville. Vous souhaitez alors connaître la décision (en l’occurrence ici, un arrêté) qui a autorisé cette surveillance et voir les justifications avancées par les pouvoirs publics pour son déploiement, la durée d’autorisation ou encore les personnes responsables.

Une recherche sur le site de la préfecture des Alpes-Maritimes ne retourne aucun résultat. Vous devez alors rechercher par vous-même dans les RAA. Mais ceux de la préfecture des Alpes-Maritimes sont dispersés dans une multitude de fichiers PDF, eux-même éparpillés dans de nombreuses pages et sous-pages du site de l’administration. Vous devez donc scruter l’ensemble des recueils mensuels, spéciaux et spécifiques. Mais gare à vous si vous ouvrez trop rapidement plusieurs fichiers PDF : vous vous retrouverez bloqué·e par la plateforme et devrez attendre plusieurs dizaines de minutes avant de pouvoir continuer ! De plus, en utilisant la fonction Recherche de votre navigateur dans les fichiers PDF des RAA publiés autour de la date recherchée, vous ne trouvez nulle part le terme « aéronef » (expression légalement consacrée pour désigner les drones).

Finalement, en recherchant « drone », vous trouvez une petite ligne dans le sommaire du RAA spécial du 14 août. En vous rendant à la page indiquée dans le sommaire, vous constaterez qu’il s’agit bien de l’arrêté préfectoral que vous cherchez. Mais il n’est pas possible de sélectionner le texte (donc de faire une recherche dans le corps des arrêtés du RAA) parce que les services de la préfecture ont publiée sa version scannée…

Il ne s’agit pas du pire exemple, même si certaines préfectures rendent leurs recueils d’actes administratifs un peu plus accessibles que celle des Alpes-Maritimes. Et, dans notre cas pratique, il s’agissait de retrouver un arrêté précis. Autant dire qu’il n’est pas possible de faire une veille efficace, et donc d’exercer un contrôle sur les actes pris par les préfectures, notamment en termes de surveillance de la population.

Une interface unique pour rendre accessible les recueil des actes administratifs

Pour contourner ces obstacles pratiques, nous avons créé Attrap. Il s’agit d’un moteur de recherche qui analyse automatiquement les sites des préfectures, télécharge les différents fichiers PDF des RAA, reconnaît les caractères, extrait le texte et rend tout cela disponible dans une interface web unique. À partir de cette dernière, vous pouvez alors rechercher des mots-clés dans les RAA de toutes les préfectures ou certaines seulement, trier les résultats par pertinence ou chronologiquement, ou encore faire des recherches avancées avec les mots « AND » ou « OR ». Ainsi, l’arrêté d’autorisation de drones de notre exemple peut se trouver en quelques instants.

Mieux ! Si vous savez coder et voulez développer des fonctionnalités que n’offre pas Attrap (par exemple un système de statistiques, de veille, ou d’analyse plus poussée des arrêtés préfectoraux), vous pouvez utiliser librement l’API du service. C’est grâce à celle-ci que nous avons créé les robots de veille Mastodon Attrap’Surveillance (qui détecte la vidéosurveillance, la VSA et les drones), Attrap’Silt (qui détecte les périmètres de sécurité de la loi Silt) et Attrap’LRA (qui détecte les créations de locaux de rétention administrative). Et le code source de notre robot est lui aussi libre.

Redonner du pouvoir aux individus

Attrap est un nouvel outil pour, par exemple, les groupes locaux Technopolice qui documentent et veillent sur le développement des technologies de surveillance, dans nos quartiers, villes et villages. Cet outil permet ainsi de rendre visible, en alertant les habitant·es, de ce que la police voudrait invisible : la surveillance de nos rues et donc de nos vies. Il permettra également de documenter qui seront les futurs cobayes de la vidéo surveillance algorithmique (VSA) dans le cadre de la loi JO qui se poursuit jusqu’en mars 2025.

Ainsi, c’est grâce à Attrap que nous avons pu par exemple visibiliser les usages de VSA cette année, y compris saisir la CNIL d’une plainte lorsque la préfecture de police de Paris a utilisé cette technologie illégalement. C’est également grâce à cet outil que le groupe Technopolice Marseille a pu documenter les usages massifs de drones dans la cité phocéenne, notamment lors des « opérations place nette », vaste séquence médiatique de Gérald Darmanin au bilan très critiqué, ou pour surveiller le centre de rétention administrative du Canet (arrêté qui vient d’être suspendu par la justice suite à un recours de l’Ordre des avocats au barreau de Marseille et de La Cimade, soutenus par le Syndicat des Avocats de France, le Syndicat de la magistrature et le Gisti).

Attrap comporte encore quelques limites. Pour l’instant, seule une trentaine de préfectures de département et deux préfectures de région sont supportées. L’ajout d’une nouvelle administration nécessite du temps puisqu’il faut s’adapter à la manière qu’a chaque préfecture de répertorier en ligne ses RAA. Également, pour la plupart des préfectures, seuls les RAA de l’année 2024 sont indexés. Mais la couverture d’Attrap s’améliorera dans les prochains mois.

Pour améliorer Attrap, nous organisons un hackathon lors du 38ème Chaos Communication Congress (38C3) à Hambourg en Allemagne. Si vous aimez le Python, n’hésitez pas à venir ! Mais si vous n’êtes pas au 38C3, vous pouvez également vous rendre sur notre canal Matrix dédié pour commencer à contribuer ! 🤓

À l’avenir, d’autres fonctionnalités seront également ajoutées. Nous prévoyons notamment d’ajouter un système de veille, qui vous permettra d’être notifié·e par email des derniers résultats sans avoir à créer vous-même votre propre robot de veille.

Par cet outil, nous souhaitons donner plus de pouvoirs aux personnes concernées par les décisions préfectorales. Vous pouvez dès aujourd’hui avoir un aperçu des mesures les moins acceptables que les préfectures ont tendance à enterrer au fond de leurs RAA : interdictions de manifestations, vidéosurveillance, drones, vidéosurveillance algorithmique, interdictions de festivals de musique clandestins, mesures de police justifiées par des appels au « zbeul » sur les réseaux sociaux, etc.

Nous espérons qu’Attrap permettra de mieux visibiliser l’action locale (et les abus) de l’État. L’opacité entretenue par les préfectures vient de perdre un peu de terrain. Pour nous aider à continuer nos actions, vous pouvez nous faire un don. Et si vous voulez contribuer à Attrap, rendez-vous sur le canal Matrix dédié.


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